Le massacre de Charlie Hebdo a soulevé une émotion quasi unanime en France et plus largement dans le monde. L’immense majorité des gens ont bien compris que dans cet acte barbare, peu importe de quel journal il peut s’agir, peu importe si on en partage ses tendances politiques ou ses positions sociétales, peu importe si on croit en un dieu quel qu’il soit ou aucun. Les tueurs étaient des fous obscurantistes doublés d’imbéciles, ils n’avaient rien à voir avec aucune religion, pas même celle dont ils se réclamaient et qu’ils avaient si dramatiquement dévoyée. Les polémiques autour de cet aspect sont totalement stériles. Ces hommes étaient des criminels, des assassins qui ont prémédité leur forfait, mus par une haine irrationnelle démesurée. Leur fin sordide n’y change rien, le mal qu’ils ont fait est irréparable.

Certains ont pourtant vu dans cet épouvantable meurtre collectif des raisons de se réjouir. Des commentaires sur le mode “bien fait pour Charlie” ont suinté sur les réseaux sociaux.

Ils émanent pour la plupart d’autres intégristes, tout aussi décérébrés que les tueurs puisqu’ils pensent que la seule façon de faire disparaître une idée qui leur déplaît est de tuer celui qui l’exprime. La réponse collective de la planète leur montre pourtant que c’est tout l’inverse qui se produit.

Ils courent, de plus, un risque pénal sérieux, l’apologie d’actes terroristes étant punie de sept ans d’emprisonnement et 100 000 € d’amende “lorsque les faits ont été commis en utilisant un service de communication au public en ligne”. Les internautes peuvent signaler ce type de contenu sur la plateforme Pharos. Les Anonymous sont également en train de rendre publique une liste de milliers de comptes Twitter ou Facebook qui tombent dans cette qualification.

Une nouvelle catégorie de contempteurs indécents est apparue hier sur Twitter. Elle est représentée par André Viard, président de l’Observatoire National des Cultures Taurines : pour lui, puisque tous les collaborateurs de Charlie Hebdo sont anticorrida déclarés (c’est même inscrit dans la charte de ce journal), hors de question de s’apitoyer sur ce qui leur est arrivé. Viard a mis en ligne ce message abject, sur son compte espagnol (de crainte d’être repéré par les Français ? c’est bien mal connaître Internet) :

Traduction : “Charlie est le journal le plus violent qui a existé en France. Par exemple, son oeuvre anti-taurine (suivi de l’adresse du site web du CRAC Europe, anticorrida.com, qui a mis en ligne des dizaines de dessins des dessinateurs disparus). Je ne suis pas Charlie.”

Certes, le CRAC Europe et Charlie entretiennent des relations étroites depuis plus d’une décennie. Charb, Cabu, Tignous, Honoré, Wolinski ont réalisé des dizaines de dessins spécialement pour le CRAC Europe. Luce Lapin, journaliste très engagée dans la protection animale, miraculeusement rescapée du massacre du 7 janvier, a été pendant plusieurs années porte-parole nationale du CRAC Europe. Patrick Pelloux, urgentiste et chroniqueur de Charlie, est l’un de ses présidents d’honneur. Le graphiste de Charlie, lui aussi miraculé de cet attentat, est le maquettiste du magazine de l’association.

Est-ce que cela mérite la mort ? Est-ce qu’il faut se réjouir du sort des victimes ? André Viard ne semble pas en être peiné. Pour lui, Charlie est dans le camp des ennemis, donc ce qui arrive à Charlie est bon pour son camp. Respect des vies massacrées ? Aucune importance. Respect de la liberté d’opinion ? Et puis quoi encore, la seule opinion qui vaut est la sienne. Aux yeux de Viard, seul compte le fait que Charlie a toujours été anticorrida donc est violent puisque, à ses yeux, tous ceux qui détestent qu’on massacre des taureaux sont violents, seuls ceux qui commettent ces massacres sont gentils. Ce qui lui fait, en effet, un point commun idéologique avec les meurtriers, pour lesquels il manifeste une complaisance ouverte.

André Viard n’en finit pas d’accumuler les propos abjects sur quiconque s’oppose à sa passion maladive pour la tauromachie. Il y a un an, il comparait les anticorridas à des Nazis qui veulent exterminer les pauvres aficionados assimilés à des porteurs d’étoile jaune persécutés, quitte à basculer dans un antisémitisme abject quelques jours plus tard lorsqu’Arno Klarsfled (anticorrida) lui a dit son indignation. En 2011, il avait également écrit des mots orduriers sur Simone Veil (anticorrida) comparée à une tueuse de masse avec sa loi sur l’IVG. Il n’en finit pas de vomir sur tout ce qui peut venir de nos rangs, quitte à se retrouver aux côtés des pires ordures de la planète si cela lui permet d’alimenter son propos.

Et le voilà qui crache encore sa bile, cette fois sur des morts avant même leurs obsèques, seul contre tous ceux qui font bloc avec les victimes, avec le symbole que leur exécution représente, avec la France qui se sent unie au-delà de la plupart des clivages, avec la défense de la liberté outragée au-delà de toutes frontières. Même ceux de son camp en déroute le lâchent, effarés par ses délires écœurants de sectarisme, de haine et de bêtise. Lui qui traite si facilement ceux qu’il n’aime pas de terroristes ou d’intégristes, le voilà qui reprend à son compte leur rhétorique toxique.

Il doit aimer ce rôle de personnage odieux et détesté. Il l’est.

Roger Lahana
Vice-président du CRAC Europe

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