Parmi les personnes pas très contentes (c’est une litote) du verdict du procès de Dax pour injures publiques à l’encontre de Jean-Pierre Garrigues, on n’est pas surpris de trouver l’ineffable André Viard. Son éditaurial (merci à Jean-Paul Richier pour ce très joli mot-valise) du 25 mars s’intitule “Pour 50 euros, t’as plus rien“.

Passons rapidement sur sa chute (pas celle de Viard, celle de l’éditaurial) qui tient du rêve éveillé : non, Jean-Pierre n’a toujours rien d’inscrit à son casier judiciaire. Il a certes été condamné en première instance, mais dans notre beau pays de France, il est possible de faire appel et ensuite d’aller en cassation. Ces différentes étapes sont suspensives, ce qui veut dire qu’en attendant la fin de cette pièce en trois actes, le casier de Jean-Pierre demeurera vierge. Si nécessaire, il resterait ensuite un recours devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Autant dire qu’André Viard va probablement devoir patienter encore au moins deux ans avant de pouvoir affirmer que “le condamné”, comme il le nomme, l’est vraiment… ou pas.

J’en reviens à ces fameux 50 euros. C’est maintenant notoire – tant sur la planète animaliste (un gros mot pour Viard) que dans le petit monde de la tauromachie (mundillo comme dirait Viard, et ce n’est pas de ma faute si ça rime avec caudillo) – qu’en sus d’une amende de 300 euros qui va alimenter les caisses de l’Etat et d’un forfait standard pour les frais juridiques, le juge a requis le versement de 50 euros de dommages et intérêts par plaignant.

Voilà qui fixe juridiquement le cours officiel du chapelet de mots “sadiques – pervers – barbares”, avec, en bonus pour les parents qui emmènent leurs enfants voir des veaux se faire torturer à mort, “parents dégénérés”.

Alors, 50 euros, est-ce peu ? Avouons-le : c’est le sentiment général, les antis s’en réjouissant, les pros s’en désolant. Pourtant, ces derniers devraient penser que finalement, ce n’est pas si mal (si jamais ils finissent par voir la couleur de leur billet de 50 euros… caramba, deux ans…).

En effet, pour 50 euros, on peut se payer, tenez-vous bien, un torero.

Bon, c’est du jeune, souvent mineur (ceux de Rion étaient âgés de 16 ans, 16 ans et 19 ans), mais quand même, ça fait le spectacle comme un grand et ça tue son veau en vingt minutes chrono après l’avoir bien fait saigner comme un grand aussi (sauf les piques, réservées aux taureaux adultes parce que les veaux, qui n’ont que deux ans, succomberaient trop vite s’ils y avaient droit, c’est d’un humanisme exquis).

Dans le mundillo, pour 50 euros tu as tout :

- on peut te traiter en public de sadique, de pervers, de barbare et, le cas échéant, de parent dégénéré

- et, avec la même somme, tu peux t’offrir un adolescent en tenue moulante qui va faire subir à un veau tout ce qui fait que tu as droit à tous ces termes quand tu satisfais à ta passion coupable (oui, coupable puisqu’elle est condamnée sur 90% du territoire français).

Comme l’a si délicatement déclaré Simon Casas (pas devant les enfants, j’espère, ce serait pervers, voire dégénéré) : “Quand je vois un jeune torero triompher, je bande, ça n’a pas de prix ”.

Je dirais même plus : à ce prix-là, c’est donné.

Roger Lahana
Vice-président

Partage

Shares