Hier s’est tenue à Nîmes un nouveau massacre de veaux en public. L’entrée avait beau être gratuite et la publicité abondante, les gradins sont restés largement dégarnis malgré une météo superbe. Il s’est agi d’une énorme baffe pour le monde en déroute de l’aficion, qui montre de façon irréfutable à quel point ses troupes se réduisent comme peau de chagrin.

A l’extérieur – et aussi un peu à l’intérieur, j’y reviens plus loin – une action citoyenne anti-corrida a rassemblé environ 140 manifestants, dont certains ont parcouru un millier de kilomètres juste pour être là et montrer leur opposition. Notre présence, hors de tout esprit de chapelle, est désormais systématique. D’ailleurs, il y avait ce même jour une autre manifestation anti-corrida à Samadet dans les Landes.

Et si 100 à 200 personnes paraissent peu par rapport à une manif organisée par de grosses associations comme le CRAC Europe ou ses partenaires, ce qui compte c’est qu’en face les autorités, faute d’avoir pu prévoir quoi que ce soit sur notre mobilisation, ont dû aligner par précaution au moins autant de gendarmes et de policiers.

Cela confirme une fois encore ce que j’écrivais au lendemain de Magescq :

“Si trois ou quatre cents individus indépendants disent sur Facebook qu’ils viendront pour s’opposer à une corrida, combien de gendarmes faudra-t-il déployer pour les contrôler ? Personne ne peut le dire. Qui supervisera les manifestants pour éviter les dérapages ? Personne. Combien de kamikazes prêts à tout seront-ils présents dans les rangs des manifestants ? Aucune idée. Et aucun risque de fuite puisque personne ne sait rien. Un vrai cauchemar pour les autorités.”

C’est d’ailleurs la confidence qu’a faite un policier en civil à l’une de nous dans l’après-midi : “Ils s’arrachent les cheveux, à la mairie”. Pas parce qu’on représentait une menace – nous n’étions pas assez nombreux pour ça. Mais justement parce que ces derniers jours, ils n’avaient aucune idée de comment s’organiser pour nous contrer et qu’en fin de compte, on était beaucoup moins nombreux qu’ils le craignaient, d’où un déploiement de flics ridiculement démesuré et un verrouillage total du tour des arènes qui a causé une belle panique dans les transports.

Et tout ça pour protéger quoi ? L’une des plus prestigieuses arènes de France vide à 90%.

Alors, qui va encore aux corridas ? Il faut croire qu’il n’y a plus que les derniers arriérés du coin… Même la gratuité de l’entrée n’a pas permis de rameuter un public plus large.

Il faut dire que les promeneurs qui passaient par là n’avaient aucune envie d’y rester avec tout le boucan qu’on faisait et le déploiement intimidant des forces de l’ordre venues en nombre. Bien qu’en pleine période de vacances et avec un temps magnifique, personne n’est venu grossir les rangs des spectateurs. Les rares touristes qui sont entrés sont repartis aussi vite, choqués par le massacre qui s’y déroulait. Ailleurs dans Nîmes, il y avait foule – dans les rues, aux terrasses des troquets, au jardin de la Fontaine. Mais pas aux arènes.

On savait déjà que la corrida n’intéresse plus qu’une minorité de plus en plus dérisoire de gens, y compris dans le sud du pays, mais on n’imaginait pas à quel point les derniers acharnés avaient atteint le stade de groupuscule sectaire. Nous n’étions pourtant pas dans une obscure commune perdue au fin fond d’une route départementale paumée, mais à Nîmes, l’une des villes-phares de la tauromachie. Quel désaveu cinglant !

Dans l’après-midi, un petit groupe de manifestants a tenté une incursion dans les arènes, munis de billets d’entrée. Nous étions deux à aller nous asseoir un peu plus loin pour prendre des photos. Malheureusement, ils ont été très vite repérés par des vigiles et expulsés malgré leurs billets, non sans avoir lancé des slogans avant de se retrouver dehors, embarqués à tour de rôle par des policiers pour une vérification d’identité. Mais c’était une grande satisfaction d’entendre que toutes les conversations des aficionados – sur les gradins ou dehors – tournaient autour de ces anti-corridas qui ne comprennent décidément rien et leur gâchent tout leur plaisir. Entre la paranoïa et l’énervement, on peut dire qu’on leur a sérieusement plombé l’ambiance.

Une fois arrivés au commissariat, le contrôle s’est passé de façon extrêmement conviviale. Les policiers présents étaient tous anti-corrida. Ils n’en revenaient pas que les six manifestants aient pu être envoyés au poste sans raison : ils n’avaient en effet rien fait d’illégal ni même de menaçant. Aussi sont-ils très vite ressortis. Ils nous ont rejoints hilares, sous nos acclamations.

Nous n’avons pas pu empêcher le supplice et la mort des veaux envoyés au carnage. Mais nous avons au moins rendu la journée très désagréable à tous ceux qui ont voulu se rendre aux arènes et fait se déplacer un nombre considérable de gendarmes et de policiers, aussi ennuyés que nous de devoir protéger une bande moribonde de pervers en voie de disparition.

A lire sur Facebook : le compte-rendu officiel de Nathalie Valentin.

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