Madame le Procureur,

Suite aux événements dramatiques qui s’étaient déroulés le 8 octobre 2011 dans les arènes de Rodilhan (lynchage de militants pacifistes par des aficionados), vous aviez annoncé un audiencement pour fin 2013 dans un courrier adressé le 26 juillet 2013 à notre avocat Me Jean-Robert Phung. Puis par voie de presse, nous apprenions début 2014 que ce procès pourrait se tenir courant 2014.

Vous avez répondu à notre première lettre ouverte en date du 26 août 2015 en précisant que : « il est désormais envisagé de créer une audience spécifique, susceptible de se dérouler sur une journée et demie, afin de procéder au jugement des faits retenus. Celle-ci pourrait se tenir au cours du mois de janvier 2016… Les avocats identifiés comme intervenant dans le dossier seront consultés sur la disponibilité de leurs agendas. »

A ce jour, Me Phung n’a reçu aucune information de votre part. Par ailleurs, permettez-nous d’être surpris par la méthode puisque nous avons appris cette annonce d’un hypothétique audiencement par voie médiatique. Est-ce une pratique courante et respectueuse des victimes ?

Dans ce contexte, vous comprendrez notre crainte de voir se profiler un troisième effet d’annonce en quatre ans de votre part. A cinq jours de notre grande manifestation de Rodilhan du 4 octobre 2015, toujours aucune date fixée, nos avocats n’ont toujours pas accès aux nombreux dossiers, rien de nouveau…

Nous venons de prendre connaissance d’un nouveau document provocateur émanant du maire de Rodilhan, mis en cause dans les événements du 8 octobre 2011 (pièce jointe numéro 1, document non daté affiché en mairie depuis quelques jours). Nous serions donc tenus éloignés encore plus des arènes qu’en 2013, afin de ne pas déranger les apprentis tortionnaires en dentelle. C’est le contraire d’un message d’apaisement. Face au comportement totalement irresponsable de ce maire qui prend sa population en otage, nous venons de demander à monsieur le Préfet du Gard d’interdire les deux manifestations taurines qui doivent se tenir à Rodilhan ce dimanche 4 octobre 2015 (pièce jointe numéro 2). Ces deux séances de torture de veaux, dans le contexte très particulier que nous connaissons, ne pourront que générer de sérieux troubles à l’ordre public. A quand un message fort des autorités pour signifier aux aficionados que leur activité sanguinaire pose de plus en plus de problèmes ?

Le 6 septembre dernier, les maires de Bouillargues et de Manduel ont rédigé des arrêtés municipaux totalement liberticides, mettant les manifestants (deux demi-finales de « graine de tortionnaires ») à plus de 500 mètres des arènes, pratiquement dans les champs. Le colonel Lacroix a eu la sagesse de ne pas tenir compte de ces arrêtés indignes et de placer les militants du CRAC Europe à moins de 150 mètres des arènes. Tout s’est très bien passé (sauf pour les animaux massacrés comme toujours…). Si M. Le préfet n’interdit pas ces deux séances de torture de veaux à Rodilhan, nous espérons pouvoir être positionnés de la même façon, à moins de 150 mètres des arènes afin de nous faire entendre.

A ce propos, car la gestion des forces de l’ordre est, nous semble-t-il, en partie de votre ressort, nous espérons que le changement de commandement des gendarmes du Gard permettra d’éviter que des militants pacifiques reçoivent des tirs de flash-balls en pleine poitrine, y compris des femmes, ou des grenades déflagrantes dans les jambes. Cet usage totalement disproportionné des moyens en octobre 2013 aurait pu conduire à un drame. Il est de notre devoir de vous alerter.

Car les questions primordiales sont les suivantes : pendant combien de temps encore les autorités protégeront-elles quelques centaines de pervers assoiffés de sang et de souffrances face à une opposition grandissante ? Ne serait-il pas plus sage d’utiliser les moyens de la force publique pour neutraliser les vrais terroristes ? Faudra-t-il un « Sivens » de l’abolition de la corrida pour que les autorités ouvrent enfin les yeux ?

Une chose est certaine : nous avons joué notre rôle de lanceur d’alerte depuis 2011. Et personne ne pourra dire : nous ne savions pas.

Dans l’attente de votre réponse et avec espoir, veuillez croire, Madame le Procureur à l’expression de nos sentiments les plus respectueux mais aussi les plus déterminés.

A Alès, le 29 septembre 2015

Pour le CRAC Europe et ses partenaires,
Jean-Pierre Garrigues
Président du CRAC Europe

logos AEP DDA CRAC

Partage

Shares