L’Espagne s’apprête à rouvrir un débat historique : faut-il maintenir la tauromachie comme patrimoine culturel à protéger, ou bien rendre aux régions le droit de la restreindre ou de l’interdire, en tenant compte de l’évolution de la société et du rejet croissant de cette pratique.

Une étape historique vient d’être franchie en Espagne : le Congrès des députés a commencé à examiner une initiative législative populaire (ILP) visant à abolir le statut de patrimoine culturel accordé à la corrida en 2013 par le gouvernement Rajoy.

Cette initiative citoyenne, portée sous le slogan « NO ES MI CULTURA », a réuni 664 000 signatures validées. Son objectif : redonner aux communautés autonomes le droit de décider librement si elles souhaitent ou non maintenir ces spectacles sanglants.

Le PSOE ouvre la porte au débat

Jusqu’ici indécis, le PSOE (Parti socialiste) a finalement accepté de laisser le débat se tenir. Son porte-parole à la Commission de la culture, Marc Lamua, a reconnu qu’ignorer cette demande populaire aurait été antidémocratique. Selon lui, la culture doit évoluer et s’adapter aux valeurs actuelles de la société.

Les arguments des défenseurs de l’ILP

Pour Cristina Ibañez, porte-parole du mouvement No es mi cultura, la corrida « ne peut pas être justifiée comme culture car elle repose sur la violence ». Elle rappelle que la société espagnole rejette massivement ces pratiques : 70 % des citoyens se déclarent opposés à la tauromachie, selon une enquête de la Fondation BBVA.
Au-delà de l’éthique, cette proposition défend aussi la démocratie locale, aujourd’hui bafouée par une loi nationale qui empêche les régions de tourner la page.

L’opposition de la droite et de l’extrême droite

Le Parti populaire (PP) dénonce une « censure » et continue de défendre la corrida comme un symbole identitaire reconnu dans le monde entier. De son côté, Vox brandit la tradition et cite des artistes comme Lorca, Goya ou Sabina pour justifier la tauromachie, allant jusqu’à qualifier l’ILP « d’imposition antidémocratique ».

Le poids d’une loi héritée de Rajoy

Depuis 2013, la corrida bénéficie en Espagne d’une protection juridique nationale : elle a été classée « patrimoine culturel », ce qui oblige l’État à la défendre et prive les communautés autonomes du droit de l’interdire. Cette loi avait d’ailleurs été adoptée en réaction à l’interdiction votée en Catalogne en 2010.

Aujourd’hui, la donne a changé. Le gouvernement actuel – notamment la coalition Sumar et le ministre de la Culture Ernest Urtasun – a fait de la suppression de cette protection une priorité, supprimant déjà le Prix national de la tauromachie et retirant la corrida de certains dispositifs publics.


L’Espagne est face à une opportunité historique : reconnaître que la culture n’a pas vocation à justifier la cruauté et que la démocratie doit donner la parole à une majorité de citoyens qui réclament la fin de la corrida.

 

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