Rupert : c’était son prénom. Je n’en sais pas plus, si ce n’est qu’il nous a quittés le 30 juillet dernier.

Je ne l’ai jamais rencontré, peut-être l’ai-je certainement croisé ici ou là au sein de manifestations, à Paris, à Alès, ailleurs…

Lorsque j’ai reçu le mail qui m’apprenait son décès, l’une des photos qui l’accompagnait m’a permis de mettre un visage sur ce prénom. Et ce visage, je le connaissais très bien puisque c’est celui qui retient le plus mon attention chaque fois que je visionne le superbe montage réalisé par Jérôme Lescure sur le désormais célèbre déchaînement de violence de Rodilhan perpétré par le monde de l’aficion en 2011 sur des militants pacifistes tentant d’empêcher une énième barbarie programmée ce jour-là sur des veaux.

Rupert était de la partie, il y a laissé une cheville, il a été témoin et victime, comme tous les participants du jour, d’une véritable corrida humaine, et pourtant lorsqu’il sortit des arènes en boitant, son sourire et ce scintillement dans ses yeux étaient intacts.

Détaché de ce qui venait de se passer ? Certainement pas, il devait énormément souffrir, et physiquement, et en son for intérieur. D’origine anglaise, il s’était déjà par le passé opposé à des chasses à courre. Parce que la violence et la mise à mort d’un être sensible pour le plaisir de quelques pervers, ça le répugnait au plus haut point, comme chacun d’entre nous.

Non, s’il gardait à cet instant cette apparence de bonhomie, c’est parce qu’il savait, de par son expérience, que ce qu’il venait de réaliser aux côtés d’une centaine d’autres militants était tout simplement un coup magistral, l’étape décisive qui allait précipiter la chute du monde de la torture tauromachique en un temps relativement court.

Alors il en était immédiatement fier, même si ce jour-là les victimes désignées n’échappèrent pas à leurs bourreaux.

La photo qui illustre cet article, elle me plaît énormément car elle est symboliquement très forte : Rupert préparant l’action de Rodilhan, avec à sa droite Christophe Marie, le très connu porte-parole de la Fondation Brigitte Bardot dont l’efficacité, la sympathie et l’abnégation ne sont plus à prouver, et à sa gauche Muriel Fusi, alors déléguée du CRAC Europe, un visage qui vous sera forcément familier car vous pouvez vous rendre à n’importe quelle action contre une nouvelle barbarie envers la faune, vous y trouverez forcément Muriel vent debout.

C’est cela aussi notre combat : un mélange de leaders d’associations et d’anonymes qui, parallèlement aux horreurs qu’ils combattent, partagent de grands moments de fraternité et de complicité.

Salut à toi Rupert, notre prochaine victoire sera avant tout la tienne et celle de tous ceux qui, comme toi, nous ont quittés bien trop tôt.

David Joly

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