Le CRAC Europe pour la protection de l’enfance condamne fermement les lettres piégées envoyées aux aficionados. Déjà, en 2006, nous avions fait parvenir un message de soutien au maire d’Alès, Max Roustan, qui avait reçu de telles missives.

Cela étant dit, les blessures infligées aux destinataires ne sont rien en comparaison des banderilles plantées dans le dos des taureaux.

Le lynchage de Rodilhan sur des militants en octobre 2011, qui s’était finalement soldé par 17 condamnations en avril 2016 devant le tribunal de Nîmes, dont certaines avec de la prison ferme, doit nous faire réfléchir quant au niveau de violence et de brutalité du monde de l’afición. Rappelons qu’il s’agissait d’une « corrida humaine », avec de nombreux coups portés au visage, des attouchements sexuels, des vols en réunion, des menaces de mort… Mais il est vrai que les aficionados voulaient juste défendre leur « tradition », face à un groupe d’abolitionnistes totalement pacifiques. C’est ce que la justice nîmoise a retenu.

Jean-Pierre Garrigues
Président du CRAC Europe

Mars 2006 – Lettres piégées : retour vers le passé

Vendredi 3 février 2017, des personnalités1 représentant le mundillo, petit monde de la tauromachie, ont reçu des lettres, provenant du département du Gard, dans lesquelles, au niveau de l’ouverture de chaque enveloppe, étaient dissimulées des lames. Et, tout de suite, on a dans la tête un petit air lancinant de déjà vu…

Et hop, c’est parti — petit flash back, en français : « retour en arrière », un saut de onze ans. À cette époque, sans doute l’avez-vous oublié, les enveloppes étaient piégées par… de l’anthrax, c’était très à la mode. Mais, quand on est un terroriste, pourquoi courir le risque de se faire prendre en se procurant de l’anthrax pour piéger des enveloppes, alors que les lames de rasoir, en vente libre dans tous les Monoprix, sont bien meilleur marché, et tout aussi efficaces ? Il faut tout leur mâcher…

Donc, fin mars 2006, neuf personnalités du monde taurin ont reçu à leur domicile un courrier, posté de Nîmes (pour « brouiller les pistes »?), contenant des lames tranchantes. Trois personnes ont effectivement été blessées aux doigts, mais, raté pour les expéditeurs, aucune parmi les destinataires. « Le combat entre les anti- et les pro-corridas a franchi un nouveau palier dans l’escalade de la violence », assène alors d’emblée, accusatrice et de fait peu professionnelle, La Dépêche du Midi du 23 mars 2006. Accuser les anticorrida d’un acte d’une telle stupidité et d’une telle lâcheté, c’est vraiment les insulter de lamentable façon… Où est la vérité ?

Comme le suggère à l’époque Thierry Hély2, vice-président du CRAC, Comité radicalement anticorrida, dans un courrier du 26 mars au Midi Libre : « […] compte tenu de ce milieu taurin où tous les “coups tordus” entre eux sont permis et fréquents, les soupçons devraient peut-être se diriger ailleurs… ». En effet, comment ne pas se laisser aller à rêver que le « milieu » — car ce n’est pas par hasard que l’on parle de « mafia tauromachique » — puisse être lui-même à l’origine des lettres piégées ? En ayant assez de se faire traiter de bourreaux, bien qu’à juste titre, les tortionnaires pourraient maintenant se complaire à se projeter dans le rôle, bien plus confortable pour eux, des pauvres victimes. Sûr que ça les changerait…

Attendrissons-nous en imaginant le ridicule « habit de lumière » lacéré de coups de lames, il ferait sûrement pleurer dans certaines chaumières arlésiennes et nîmoises…

À suivre…


  1. Dont Serge Reder, maire de Rodilhan, qui avait participé au lynchage des militants pacifistes le 6 octobre 2011 et qui fut condamné le 14 avril 2016 par le tribunal correctionnel de Nîmes à 1 500 euros d’amende.
  2. Aujourd’hui président de la FLAC, Fédération des luttes pour l’abolition des corridas.

Luce Lapin
Vice-présidente

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