Depuis des années des militants animalistes tentent de s’opposer à la corrida, tant en France qu’en Espagne. Mais les aficionados ripostent : “¡No pasaran !”. Et leurs contre-offensives marquent des points.

Des deux côtés des Pyrénées, la polémique liée à la pratique de la corrida ne désenfle pas. Entre actions violentes des militants animalistes et récupération politique, taurins et anti-taurins s’affrontent.

Les militants “anti-corrida” prennent d’assaut les arènes landaises

Dans le sud-ouest français, ces dernières semaines ont été mouvementées pour les amateurs de festivités taurines. L’arène en bois du petit village de Rion des Landes, non loin de Dax et de Mont de Marsan, a été une nouvelle fois la cible des militants anti-corrida, lors de la feria Campera du 24 novembre dernier.

Il s’agissait de la dernière novillada (jeunes taureaux de trois ans) de la saison française. Quatre-vingt militants anti-taurins ont débarqué dès le petit matin dans le village. Ils ont tenté sans succès de s’enchaîner aux portes des arènes. Un peu plus tard, ils ont bloqué l’arrivée du matador français Juan Bautista, avant sa prestation.

Mais après les graves échauffourées du 24 août dernier, 150 CRS et gendarmes étaient déjà sur place. Les forces de l’ordre ont rapidement libéré le matador et interpellé quatre manifestants rapidement relâchés. Cette fois ci, il n’y eu pas de blessés.

“Des pros de l’agit-prop”

Déjà, le 18 novembre, des anti-taurins avaient tenté d’incendier ces superbes arènes en bois, de style landais. Les dégâts n’ont été que minimes et n’ont pas empêché les festivités des 23 et 24 novembre.

Ces anti-corrida militent majoritairement au sein de trois organisations : le Comité radicalement anti-corrida dirigé par Jean Pierre Garrigues, l’association belge Animaux en péril et la fondation Brigitte Bardot. Le Club Taurin Rionais a porté plainte contre Jean Pierre Garrigues, quinqua végétarien, professeur d’écologie en BTS, pour “outrages et dégradations des biens communaux”.

Pour le maire de Rion, Joël Goyheneix, “il s’agit d’une équipe très organisée, des pros de l’agit-prop. On a vite compris que nous n’avions pas affaire à des amateurs”. Le chef du groupement de gendarmerie des Landes a également jugé la foule “très agressive” guidée par “des responsables qui ne voulaient rien écouter”. D’autres manifestations anti-corrida ont eu lieu à Alès le 12 mai 2013 et à Carcassonne le 1er septembre.

De l’autre côté des Pyrénées, la tradition de la corrida est plus tenace encore. Hautement polémique, elle fait l’objet de récupération politique.

Bras de fer entre Barcelone et Madrid

En 1991, les îles Canaries ont été la première région espagnole à interdire les corridas sans que cela ne fasse grand bruit. En effet, ces îles de l’Atlantique n’ont jamais eu une culture taurine. Mais la décision du parlement de Catalogne, le 28 juillet 2010, a provoqué un véritable séisme. Par 68 voix contre 55, les députés catalans ont interdit la corrida dans leur région à compter du 1er janvier 2012. Ce vote a été permis par une initiative législative populaire lancé en 2008, une pétition ayant recueilli 180.000 signatures sur une population de 4,3 millions.

Mais au-delà de l’amour des bêtes, force est de constater que cette loi participe d’un nouveau bras de fer entre Barcelone et Madrid. Les nationalistes conservateurs et les indépendantistes de gauche ont en effet déclaré que la corrida était castillane et donc anti-catalane.

On peut relever que les élus catalans qui ont relayé la démarche des pétitionnaires ne sont pas spécialement des anti-corrida convaincus, mais des nationalistes obtus : ils n’ont pas interdit les Correbous qui sont des courses de taureaux spécifiquement catalanes. Dans les Correbous, certes le taureau n’est pas tué, mais les spectateurs encerclent la bête et cherchent à lui brûler les cornes !

Au lendemain du vote du parlement catalan un sondage a été réalisé dans tout le pays : 57% étaient contre cette interdiction.

600.000 signatures en faveur de la corrida

La réaction de l’aficion ne s’est pas fait attendre. Une pétition pour la réintroduction de la corrida, lancée par la Fédération des associations taurines de Catalogne, a obtenu 600.000 signatures dans la région, contre 180.000 de la part des anti. Ainsi, le 12 février 2013, le Parlement national espagnol, les Cortes, a de nouveau autorisé les corridas en Catalogne, avant de les déclarer “bien d’intérêt national”. Le Sénat national a suivi, déclarant la corrida “patrimoine culturel de l’Espagne”.

Les arènes de Barcelone, les troisièmes plus grandes après Madrid et Séville, pourraient recevoir dès le printemps 2014 matadors, taureaux et aficionados.

Animalistes de tous pays…

Suite à la décision catalane du 28 juillet 2010, les animalistes français se sont pris à rêver. Après la Catalogne, la France. Dès le 11 septembre 2010, ils ont organisé une manifestation dans les rues de Nîmes, regroupant près de 2.000 personnes, du jamais vu. La grande majorité des manifestants étaient venus de Catalogne, du nord de la France, de la Belgique et de l’Italie. Mais ils ont dû vite déchanter suite à la décision du ministère français de la culture du 22 avril 2011 qui inscrit la tauromachie à l’inventaire de son patrimoine immatériel. Les Espagnols ont suivi le même chemin.

Le 20 juin 2012, les associations anti-corrida ont saisi le Conseil d’Etat, qui les a renvoyées devant le Conseil constitutionnel ; celui-ci les a déboutées dès le 21 septembre 2012.

Des aller-retours juridiques et institutionnels loin d’être terminés des deux côtés des Pyrénées.

par Christophe Chiclet

Partage

Shares