Soutenue par son groupe à l’Assemblée, la députée EELV Laurence Abeille vient de déposer une nouvelle proposition de loi abolissant la corrida : “Alors que l’exaspération des militants anticorrida gagne du terrain, le dépôt de cette proposition de loi réaffirme la nécessité de passer par la voie législative pour abolir cette pratique.”

Avec un nombre de spectateurs en baisse à Nîmes pour la troisième année consécutive, la feria des Vendanges a confirmé la désaffection générale pour les corridas. Les actions anti-corrida qui se multiplient y sont pour beaucoup, donnant lieu à une désinformation récurrente propagée par les aficionados. C’est ainsi que depuis deux ans, ils accusent systématiquement les manifestants de violence. Or, si ces derniers sont certes exaspérés, ils restent non-violents et ils sont seuls à prendre des coups. Retour sur quelques événements clés qui ont contribué à la prise de position d’EELV.

Le lynchage de Rodilhan

En octobre 2011, le sable des arènes de Rodilhan est envahi par une soixantaine d’anti-corridas pour tenter d’empêcher la finale d’un concours de novilladas (corridas avec mise à mort exécutées par des ados sur des veaux). Des spectateurs descendent alors des gradins et tabassent les manifestants avec une violence choquante pendant plus de vingt minutes. Des vidéastes filment tout. Leurs vidéos, diffusées sur Internet et vues près de 200000 fois, montrent le lynchage de façon incontestable. La gendarmerie s’en est servie pour interpeller et confondre 26 des agresseurs, identifiés grâce aux réseaux sociaux. Leur procès est prévu début 2014, les vidéos ayant été retenues comme preuves par la procureure de la République de Nîmes.

Pourtant, dans un article récent, un grand hebdomadaire continue à en donner une description toute autre pour étayer la soi-disant violence des anticorridas : “une bagarre générale a éclaté, heureusement vite maîtrisée par les forces de l’ordre”.

Comment peut-on parler de bagarre quand les manifestants roués de coups se laissent faire sans répliquer ? Comment qualifier ceux qui maintiennent un jet de lance à incendie à bout portant dans l’oreille d’un manifestant, qui en a perdu son tympan et est toujours suivi psychologiquement pour choc post-traumatique ? Comment appelle-t-on le fait qu’une militante est déshabillée et soumise à des attouchements sexuels sous les yeux de tous, élus goguenards inclus ? Comment justifier que d’autres soient traînées par les cheveux jusqu’à la sortie de l’arène ? Quant aux “forces de l’ordre” – trois policiers municipaux dépassés – elles n’ont rien maîtrisé d’autre que leur propre sécurité en restant prudemment à l’écart, les vidéos l’attestent.

Cela n’a pas dissuadé le maire de Rodilhan de récidiver le 27 octobre prochain en programmant une finale d’école taurine, suivie d’une corrida. Le CRAC Europe y voit une provocation et s’y opposera à nouveau. Le préfet du Gard va-t-il éviter un affrontement évident en faisant annuler ce programme ou favorisera-t-il de nouvelles violences en déployant des centaines de CRS face aux manifestants qui viendront protester ?

Deux ans plus tard, la violence est toujours du même côté

Nous étions 154 anticorridas à mener une action similaire à Rion-des-Landes le 24 août dernier. Organisée par le CRAC Europe, la Fondation Brigitte Bardot et Animaux en Péril, elle a eu un retentissement considérable. Là encore, certains médias ont cru pouvoir avancer, en contradiction flagrante avec les vidéos tournées en continu par quatre caméras et diffusées sur Internet, que les antis ont “échangé des coups” avec les aficionados ou les forces de l’ordre et qu’un manifestant a été gravement blessé en tombant par accident du camion sur lequel il s’était juché.

C’est faux. Ce dernier, sexagénaire frêle à la longue barbe grise, a été roué de coups par un responsable des arènes jusqu’à perdre connaissance. Il a été évacué dans un état critique en hélicoptère sur le CHU de Bordeaux. L’agresseur a été interpellé par la gendarmerie dès le lendemain et a reconnu les faits. Une plainte a été déposée contre lui. Ces éléments factuels ont été rapportés avec précision par plusieurs medias. Pourtant, un grand nombre d’autres ont persisté à répéter en boucle pendant des semaines que la victime s’est retrouvée dans le coma en tombant du camion.

Les autres blessés l’ont été par les forces de l’ordre. L’un, qui filmait ce qui se passait, a été poussé dans le dos du haut des marches par une femme gendarme et a été évacué avec une commotion cérébrale à l’hôpital de Mont-de-Marsan. Un autre a été piétiné par des gendarmes et a abouti aux urgences de Dax, cervicales déplacées. En tout, huit victimes chez les manifestants. Aucun blessé, pas même une égratignure, du côté des policiers ou des spectateurs. Rien de plus normal : aucun militant n’a commis la moindre agression physique. La violence n’est pas de notre côté, elle ne l’a jamais été.

Feria oui, corrida non

Sans surprise, la désinformation a souvent pour source les leaders d’opinion du lobby tauromachique. C’est ainsi que Simon Casas, organisateur des corridas nîmoises, aime à répéter, comme il l’a encore fait récemment, que nous menacions la feria de Nîmes. Pourquoi le ferions-nous ? Nous ne sommes pas anti-feria, mais anti-corrida.

La distinction est importante. La feria de Nîmes, c’est la fête qui se tient dans ses rues pendant plusieurs jours, deux fois par an. Elle attire selon la mairie un million de personnes venues profiter de ses animations, bodegas et bars. Les corridas qui se tiennent à ces occasions n’en drainent qu’une toute petite partie : 80700 spectateurs en 2011, 68900 en 2012, 50000 en 2013. Le succès de la feria de Nîmes n’a rien à voir avec la tenue de corridas, où ne vont que quelques pourcents des nombreux fêtards.

L’abolition à portée de vote

Laurence Abeille ne s’y est pas trompée. Sa proposition de loi, co-signée par les présidents de son groupe, a pris à revers Manuel Valls et ses alliés aficionados qui ont bloqué depuis un an une proposition analogue préparée par des députés PS. L’initiative des députés d’EELV est une avancée historique vers l’abolition de la barbarie des arènes.

Elle est l’aboutissement d’une forte présence sur le terrain des associations qui ont redoublé d’activité ces derniers mois. Après le rassemblement d’Alès en mai dernier, ce ne sont pas moins d’une quinzaine d’actions qui ont eu lieu cet été dont celle spectaculaire de Rion-des-Landes et celle de Dax sévèrement réprimée par les CRS, où des élus EELV ont été exclus du conseil municipal pour y avoir participé.

Elle est aussi le résultat d’un patient travail de sensibilisation des députés, grâce à notre présence mensuelle devant l’Assemblée Nationale depuis un an. Serge Coronado, signataire de la proposition de loi, avait déjà signé le manifeste du CRAC Europe en juin dernier à cette occasion et nous avait assuré d’un dépôt en septembre. C’est chose faite.

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