Il s’est passé quelque chose de vraiment majeur à Cazaubon ce samedi. Les fêtes annuelles qui s’y tenaient avaient rassemblé, comme à chaque fois, bon nombre de forains pour qui c’était là l’occasion, bien naturelle, de faire une partie importante de leur chiffre d’affaires de la saison. Pour eux, il était donc absolument critique que les animations se déroulent comme prévu et que le public soit content.

Les corridas, parasites chroniques des férias

Or, profitant de la féria, le club taurin avait également programmé une corrida, comme cela se fait couramment dans la plupart des villes taurines. En effet, les corridas voyant un peu partout leur fréquentation en chute libre, elles n’ont de chance de remplir au moins partiellement leurs gradins que si une féria se tient en même temps au même endroit. Et encore, cela ne marche-t-il que très partiellement : même à Bayonne qui attire un million de touristes pour ses célèbres fêtes, les arènes ne rassemblent péniblement que 4000 places payantes en moyenne par corrida pour 10 500 sièges disponibles (chiffres officiels de la Cour des Comptes).

Dans le cas de Cazaubon, il s’agissait d’une corrida portugaise, autrement dire des taureaux torturés par des cavaliers et dont la mise à mort se fait en coulisses, à peine l’animal sorti de la vue du public. Il est systématiquement achevé à coups de puntilla (poignard), sauf quand les organisateurs préfèrent le laisser agoniser pendant parfois tout le weekend avant de le céder à un boucher.

La corrida gêne la féria…

Ce samedi 30 août, une action anti-corrida était annoncée un peu partout sur les réseaux sociaux. Environ 450 manifestants étaient attendus, acheminés par des bus. Après les violences effarantes causées par les aficionados et les CRS à l’encontre des abolitionnistes venus à Maubourguet une semaine plus tôt, la mairie, après en avoir discuté avec la préfecture, a préféré laisser tomber la corrida pour sauver la féria.

En effet, il aurait été impossible de déployer suffisamment de policiers pour garantir la tenue de la corrida sans perturber l’accès aux stands des forains. Et la féria, elle, rapporte de l’argent. Les forains, présents pendant trois jours d’affilée, l’ont parfaitement compris et ont fait fortement pression sur les autorités pour que la cause du trouble à l’ordre public – la corrida – disparaisse du paysage tant qu’ils seraient là. Et, en particulier, pas question d’annuler les manèges et les ventes dérivées qui étaient prévues dans l’après-midi du samedi.

… Exit, la corrida !

Le club taurin n’a plus qu’à trouver une autre date. Cette fois, aucune féria ne sera là pour drainer les touristes curieux vers les gradins des arènes. Ce sera une séance où ne viendront que les aficionados les plus déterminés, autrement dit, une poignée. Et cela n’empêchera pas les anti-corridas de prévoir quand même de se rendre sur place pour protester à nouveau.

Car pour nous, nulle opposition au fêtes de villages ou de grandes villes. Aucun problème à ce que des férias aient lieu et qu’un large public se réjouisse des attractions, des bars et des bodegas. Ce ne sont pas les férias que nous combattons, ce sont les corridas.

A Cazaubon, les forains – et la mairie – l’ont bien compris. Et quand ils feront leurs comptes à la fin du weekend, ils verront que leur chiffre d’affaire sera tout aussi bon que les autres années, alors que la corrida n’aura pas eu lieu. Autrement dit, ils auront la confirmation que la féria n’a nulle besoin de la corrida. C’est la corrida qui a besoin de la féria, pas l’inverse. Vivement que tous les lieux de férias le réalisent et que, comme à Cazaubon, ils se débarrassent des corridas qui ne leur apportent que des troubles et des violences.

Roger Lahana,
Vice président du CRAC Europe

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