Le 4 octobre 2015, Rodilhan La Honteuse a de nouveau été le théâtre de scènes de guerre civile : 250 gendarmes en tenue de combat, barriérage anti-émeute sécurisant un périmètre de 2 kilomètres, lacrymogènes à profusion, fumées, sirènes, slogans et violences policières gravissimes avec toujours les mêmes uniques victimes – les manifestants anticorrida, des citoyennes et citoyens de notre pays qui refusent et refuseront toujours que puissent perdurer des spectacles de torture qualifiés de délit par le Code pénal mais exemptés de peine dans le sud du pays.

Gazage à bout portant sans sommation sur des manifestants assis en zone autorisée (vidéo Midi Libre)
Gazage à bout portant sans sommation sur des manifestants assis en zone autorisée (vidéo Midi Libre)

Oui, des gendarmes qui frappent et gazent des citoyens refusant la perpétration d’un délit, sur ordre d’un préfet appuyé par un Premier ministre qui couvrent un maire paranoïaque, c’est en France et en 2015 que ça se passe. Et, depuis le lynchage en réunion de 70 militants anticorrida à Rodilhan le 8 octobre 2011, par l’entêtement de ce maire buté qui met à chaque fois ses administrés en prison et sa ville en état de siège pendant la durée des spectacles de torture, chaque année à la même époque, de nouveaux supplices rituels de veaux ont lieu, devant un public de plus en plus clairsemé (certains d’entre nous sont rentrés dans les arènes et ont pris des photos pour le prouver).

Un village en état de siège pour des gradins dépeuplés, quoi qu’en prétendent certains médias (photo Estelle Gabarel)
Un village en état de siège pour des gradins dépeuplés, quoi qu’en prétendent certains médias (photo Estelle Gabarel)

En ce premier dimanche d’octobre, le dispositif d’enfermement du centre-ville a connu une nouvelle escalade : seulement cinq passages possibles, obturés par des grilles de deux mètres ou plus, rendant toute traversée de la commune quasi impossible, sauf à passer à travers champs ou à faire des détours considérables. Ce que nous avons fait toute la journée pour perturber le plus possible les accès entre le quartier de haute sécurité et le monde libre.

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Le colonel Lacroix a pris l’initiative de nous compliquer la tâche en bloquant plusieurs axes supposés être ouverts à notre manifestation déclarée, bien en dehors du périmètre interdit. Pourquoi ? Parce que. Un colonel qui a paru à de nombreuses reprises totalement dépassé par notre déploiement d’énergie et la multiplication de nos actions aux cinq points de contrôle. Certains de ses gendarmes ont semblé souvent perdus au milieu de nos rangs, jetant des regards peu assurés partout à la ronde et se déplaçant sans raison évidente.

Scènes de gendarmes déboussolés
Scènes de gendarmes déboussolés

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De nombreuses photos montrent des scènes incroyables de gendarmes paniqués, perdant tout sang-froid sans raison, gazant outrageusement à bout portant des manifestants pacifiques qu’ils ont regroupés assis sur un bout de chaussée loin de la zone interdite, en rase campagne, donc dans un lieu où ils avaient tous les droits de se trouver, frappant à coups de poing un anticorrida, envoyer à plusieurs mètres une autre, blessant sérieusement une troisième à la jambe d’un violent coup de pied et la gazant à bout portant. Les matricules des coupables ont été relevés, les agressions ont été filmées, des plaintes seront déposées.

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Arianna, projetée sans raison à plusieurs mètres en arrière par un gendarme énervé (matricule relevé, plainte en cours)
Isabelle évacuée par la Croix Rouge sous les regards gênés des gendarmes, jambe cassée par un coup de pied du gendarme fou et visage brûlé par les lacrymos à bout portant (matricule relevé, plainte en cours)
Isabelle évacuée par la Croix Rouge sous les regards gênés des gendarmes, victime d’un coup de pied d’un gendarme, visage brûlé par les lacrymos à bout portant (matricule relevé, plainte en cours)

Et tout ça pour quoi ? Au plus 400 aficionados sur des gradins très clairsemés, protégés par 250 gendarmes qui, de l’aveu même du préfet le lendemain sur une radio locale, auraient été plus utiles à assurer leurs missions déjà très prenantes (délinquance, infractions routières) mais cela aurait voulu dire annuler les deux séances de torture de veaux. On attend avec intérêt que le préfet nous explique en quoi le maintien de ces corridas était une priorité à ses yeux, lui qui ajoutait sur la même antenne qu’il avait des tas de préoccupations bien plus sérieuses que de s’en occuper.

(photo Christine Valusso)

Quant à nous, nous étions environ 700 au pic le plus haut, autrement dit plus nombreux que les barbares et les forces de l’ordre réunis. Aux dires du Midi Libre, nous étions moins de 300 et dans ce cas, il faut croire que nous nous sommes tous démultipliés à l’extrême pour que 250 gendarmes aient tant de mal à nous maîtriser.

Des dizaines de voitures d'aficionados ont dû rebrousser chemin
Des dizaines de voitures d’aficionados ont dû rebrousser chemin

Le matin, nous avons embolisé les deux chemins d’accès prévus initialement pour les aficionados. Des dizaines de voitures se sont retrouvées bloquées par notre présence et contraintes de faire demi-tour, tentant de passer par l’une des autres portes, que les quatre autres groupes, tout aussi cruciaux dans notre dispositif, bloquaient également. Des passages ont été ouverts par les gendarmes à coups de gaz lacrymogènes pour que les plus avides de souffrance et de sang puissent enfin venir se garer près du torturodrome avec un très gros retard. Mais beaucoup d’entre eux ont préféré partir pour ne plus revenir, dépités et furieux.

(photo Christine Valusso)

Entre midi et 16 heures, horaire de la seconde séance de supplice, nous avons fait hurler nos sirènes et nos voix pour accompagner la pause repas-détente des pervers terrés à l’intérieur des grilles. De nombreux incidents violents causés par les gendarmes ont marqué cette phase : jet de capsules lacrymogènes en plein milieu de la foule des manifestants, charges, coups, interpellations. Un petit groupe de militants déterminés emmenés par Jean-Pierre Garrigues ont sauté dans le ruisseau qui servait de frontière entre l’extérieur et le pénitencier à ciel ouvert, et sont allés se jucher sur la rive face au parking des aficionados pour continuer à les haranguer malgré les jets de gaz et mise en joue par un flash-ball des gendarmes pour tenter de le faire taire.

Le saut dans le ruisseau
Le saut dans le ruisseau

La dernière partie de la journée nous a vus nous remettre en place aux sorties de la commune pour prolonger le désagrément des barbares jusqu’à la tombée de la nuit. Dans l’une de ses prises de parole, Jean-Pierre Garrigues a demandé aux gendarmes qui lui faisaient face s’ils n’auraient pas été plus utiles dans le Var pour aider les victimes des terribles intempéries ou pour s’occuper de vrais terroristes. Plusieurs opinaient, l’un a même dit à son voisin : “On n’a rien à faire ici”. Des gradés ont félicité Jean-Pierre pour la façon dont il mène notre combat en général et dont s’est déroulée cette journée en particulier. Il faut dire et redire que les consignes données par Jean-Pierre le matin à tous les manifestants étaient, comme toujours, de rester strictement non violents – aucune atteinte physique aux personnes (forces de l’ordre ou aficionados) ni aux biens. Ces consignes ont été parfaitement respectées tout au long de la manifestation par toutes les personnes présentes. De fait, une fois encore, les seules victimes de violence sont dans nos rangs.

On aimerait bien savoir ce que les Rodilhanais ont pensé de la façon dont leur maire a organisé leur fête de village cette année encore. Un cran de plus dans l’escalade démente que vit Rodilhan année après année. Et plus c’est pire et plus le maire s’enfonce vers la folie sécuritaire en donnant carte blanche aux pires violences pour qu’une poignée de vampires à la dérive ait sa dose de sang.

Dimanche 4 octobre 2015, jour de fête à Rodilhan selon Serge Reder son maire
Dimanche 4 octobre 2015, jour de fête à Rodilhan selon Serge Reder son maire

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(photo Stéphanie Lahana)
(photo Stéphanie Lahana)
(photo Stéphanie Lahana)
(photo Stéphanie Lahana)
(photo Stéphanie Lahana)

En ce qui nous concerne, notre détermination est redoublée, plus que jamais. L’immense majorité des militants présents nous ont exprimé leur enthousiasme et leurs félicitations pour cette action que nous considérons comme une grande réussite, même si malheureusement tous les taureaux sont morts.

Rien ne nous fera reculer, pas plus des gaz lacrymo vite dissipés que des coups portés par des gendarmes indignes de leur uniforme. Le procès de janvier 2016 ne changera rien à notre mobilisation : tant que Reder ou d’autres s’entêteront à organiser des corridas, nous reviendrons pour nous y opposer. Le combat ne cessera que lorsque la corrida aura été abolie. Nous y travaillons avec nos alliés députés abolitionnistes, qui sont déjà plus de cent à vouloir faire disparaître cette horreur de notre monde.

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La corrida ne peut plus être considérée comme un art depuis qu’elle a été rayée juridiquement du patrimoine culturel immatériel de la France par nos soins. Elle n’a jamais eu de légitimité à être qualifiée de tradition puisqu’elle n’a rien de français – ses origines espagnoles n’empêchent d’ailleurs pas qu’elle soit en voie rapide de disparition dans la péninsule hispanique. Elle n’est même pas moteur d’activité économique puisqu’elle est déficitaire partout et ne survit que grâce à des subventions payées par nos impôts et des escroqueries fiscales rattrapées une à une par Bercy. Elle n’est plus définie que par le Code pénal : un acte de torture. Rien ne justifie plus son existence.

Tous unis contre la barbarie !

Roger Lahana
Vice-président du CRAC Europe

Photos RL sauf mention contraire

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