Un poème
[rouge]Sang pour sang massacre[/rouge]
Quelque part au cœur de Madrid,
Au cours d’un après-midi torride,
Le taureau sort du toril en trottant fièrement.
Le malheureux ne sait pas ce qui l’attend.
Au son de la fanfare et des applaudissements,
Il va connaître la cruauté et le sang.
Pourquoi cette pique tranchante qui lui blesse le cou ?
Pourquoi cette masse de gens qui crient comme des fous ?
Le taureau baisse la tête avec un souffle rauque,
La pique lui a sectionné les ligaments de la nuque.
Un animal ne pouvant redresser la tête
Est-il un réel danger pour celui qui l’affronte ?
Le torero, tel un vrai sadique,
Le force à pourchasser sans répit
Cette cape rouge qui est partout
Et qu’il n’attrapera jamais.
Les longs harpons aux couleurs gaies,
Violemment plantés sous les « Oléé ! »,
Se balancent à chaque mouvement.
Les plaies dans son garrot creusant, creusant,
Haletant, tête basse et les flancs ruisselants de sang,
Le taureau fait face à son bourreau en costume brillant.
Dans les yeux de l’homme, un éclat de démence,
Dans ceux de l’animal, des larmes de souffrance.
Il avait confiance en les humains,
Et voilà qu’ils le martyrisent.
La bouche écumante et le cœur battant,
Il voit le matador lever son épée d’argent.
Le geste est rapide, la main sûre d’elle,
Et la foule applaudit de plus belle,
Lui vomit des flots de sang,
Sous les cris et les hourras retentissants.
La pauvre bête tombe à genoux, vaincue.
C’est fini pour elle, tout est perdu.
Elle se couche sur le flanc,
Les pattes battent en l’air inutilement.
Elle se bat encore, malgré ce qu’on lui fait subir,
Elle luttera jusqu’au dernier soupir.
L’animal, épouvanté, ensanglanté, appelle au secours,
À ses mugissements désespérés les gens restent sourds.
Le poignard de l’assassin s’enfonce entre ses cornes
Et il sombre lentement dans le gouffre de la mort.
Le sang coule encore,
Tache rouge sombre sur le sable d’or.
Pour le taureau, la mort est une délivrance,
Il ne peut plus endurer cette souffrance.
L’homme découpe l’oreille et la queue
Et brandit fièrement son trophée sanglant.
La corrida est-elle un art
Ou une pratique barbare ?
Peut-on parler de culture
Lorsqu’il s’agit de torture ?
Tandis que le cruel vainqueur
Reçoit les fleurs et les honneurs,
Le triste cadavre mutilé du taureau
Est traîné hors de la vue des aficionados
Et les traces de sang dans l’arène, balayées
Comme si elles n’avaient jamais existé,
Comme si une conscience n’avait jamais été martyrisée ici même,
Pour l’argent, la distraction et la gloire de la race humaine.
Dans le regard vitreux de l’animal mort,
Il y a comme l’ombre d’une unique question,
Un « pourquoi » qui restera à jamais sans réponse.
Bien sûr, ce n’est qu’une illusion …
ais est-ce cela l’humanité dont nous sommes si fiers ?
La torture publique d’un animal pour le plaisir des yeux ?
Car, du taureau ou du torero,
Le plus dangereux est-il vraiment celui que l’on croit ?