160 militants venus de toutes les régions de France se sont retrouvés à Rion-des-Landes samedi 24 août 2013 pour tenter d’empêcher les novilladas qui opposaient de jeunes taureaux (de 2 ans) à des apprentis toreros âgés de 14 à 18 ans.

Quelques secondes après le lancement d’un fumigène, ils ont sauté dans l’arène et ont formé une chaîne humaine. Les gendarmes, qui étaient déjà sur les lieux en grand nombre, sont arrivés très rapidement et ont fait sortir les militants un par un avec plus ou moins de violence (des images vidéos tournés par Sauvons Les Animaux montrent notamment des coups de poing donnés par un gendarme). Repoussés à l’extérieur, les militants qui tentaient d’entrer à nouveau et ceux qui restaient à quelques centaines de mètres de la porte ont été copieusement gazés. Ils se sont donc éloignés et se sont peu à peu retrouvés de l’autre côté des arènes, devant le camion qui transportaient les jeunes taureaux.

Dans un dernier geste désespéré pour empêcher la séance de torture, ils sont montés sur le toit du camion. Un jeune militant s’est élancé dans les escaliers pour les rejoindre, mais, repoussé par les gendarmes, il a chuté et perdu connaissance. Quelques minutes plus tard, Alain Sénac, qui se trouvait près des escaliers, a reçu un violent coup de poing sur la nuque qui l’a plongé dans le coma. Cette fois encore, les gendarmes sont intervenus pour descendre un à un les militants, qu’ils tenaient par une jambe ou un bras, mais dont la tête, non maintenue, risquait bien souvent de heurter le sol. C’est dans ses conditions qu’un autre militant a subi un choc aux cervicales. Inconscient, il a été conduit lui aussi à l’hôpital.

Quand la trappe s’est ouverte pour laisser sortir le premier taureau condamné à mort, les militants, inquiets et en colère après avoir vu trois des leurs couchés sur des civières et prêts à partir pour les hôpitaux de la région, se sont élancés autour des arènes pour trouver un moyen d’y entrer. Malheureusement, de l’autre côté, le cadavre du jeune taureau a finalement été évacué par les services de la voirie. Suspendu par une patte, la langue pendante à cause de l’asphyxie, il a été déposé dans une benne comme un vulgaire déchet. Lorsque le camion-benne a démarré, des militants désespérés ont tenté de l’empêcher de passer.

Les militants n’ont cessé de trouver des moyens pour montrer la force de leur contestation, devant le camion-benne, devant les spectateurs qu’ils ont gratifiés d’une haie de déshonneur, devant la voiture des jeunes toreros. Ils étaient partout, déterminés mais toujours pacifiques. Les images parlent d’elles-mêmes : les militants sont assis, se soutiennent, scandent des slogans, mais ils ne sont jamais physiquement violents. Les comparer à des casseurs est totalement farfelu. Détruire des biens matériels ne les intéresse pas : contrairement aux casseurs, les défenseurs des animaux se battent pour des idées.

Nous avions remarqué la veille que nous étions surveillés par la police. Le lendemain, le car des Parisiens a été arrêté pour un contrôle d’identité général. L’attitude des gendarmes ne laissait aucun doute sur le fait que notre projet était connu. Quand nous étions dans les arènes, même les spectateurs procorrida savaient que nous étions présents dans les gradins, puisque l’un d’eux a répondu à une personne qui demandait si elle pouvait fumer : « Normalement, c’est interdit, mais il y a déjà des anticorrida partout, alors n’on est plus à ça près. » Les militants ont réalisé une action sans précédent, de par le nombre de participants et de par leur détermination. Les médias ne s’y sont pas trompés, tous reprenant l’information.

Cette action sera beaucoup critiquée (et la désinformation va déjà bon train), parce qu’elle inquiète le vieux monde qui veut continuer à exploiter et à tuer sans nécessité, juste pour le plaisir. Mais si le public des corridas a peur et demande que la répression s’organise, c’est parce que l’ampleur de la contestation a surpris.

Un grand nombre de Français en a effectivement assez de devoir accepter l’inacceptable. Cinq propositions de loi anticorrida ont été déposées depuis 2004 sans qu’aucune soit inscrite dans les niches parlementaires pour pouvoir être votée. Alors que, concomitamment, les sondages se succèdent et montrent qu’entre 55 % et 75 % des Français sont opposés à la tauromachie. La démocratie est manifestement en panne, et cela dure depuis trop longtemps.

Pendant ce temps, les animaux meurent pour le plaisir des sadiques, et des parents amènent joyeusement leurs enfants voir des corridas. À Rion-des-Landes, nous avons été surpris par le nombre de petits de moins de 10 ans qui sortaient des arènes après avoir assisté à la séance de torture tauromachique — pour mémoire, le CSA déconseille que des images de corrida soient vues à la télévision par des enfants de moins de 10 ans. Ces images sont en effet traumatisantes pour les plus sensibles, et provoquent une accoutumance à la violence et un renversement des valeurs chez les autres.

S’il y a un effet Rion-des-Landes, nous espérons donc qu’il se traduira par le fait que les élus acceptent enfin d’organiser des référendums dans les villes taurines, et par le fait qu’une proposition de loi d’abolition de la corrida soit enfin débattue par les parlementaires. À ce sujet, nous attendons toujours, et ce, depuis plus d’un an, le texte de madame la députée PS des Deux-Sèvres, Geneviève Gaillard…

Muriel Fusi
Déléguée CRAC Europe pour la Région Île-de-France

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