Fin 2014, le CRAC Europe pour la protection de l’enfance révélait dans tous ses détails la fraude à la TVA qui était pratiquée par plusieurs sociétés organisatrices de corridas : la SAS Simon Casas production à Nîmes, la SAS Jalabert frères à Arles et la SAS du plateau de Valras à Béziers.

Cette fraude, pratiquée depuis 2011, consistait à appliquer illégalement le taux de TVA à taux réduit (au lieu du taux normal) aux ventes de places pour les spectacles de torture. Et ce au motif que la corrida faisait désormais partie du patrimoine culturel immatériel de la France, ce qui, aux yeux des dirigeants des sociétés susmentionnées, les autorisait à une telle pratique.

Argument déjà irrecevable à l’époque, les services de Bercy ayant plus d’une fois rappelé que les spectacles tauromachiques relevaient bel et bien du taux normal de TVA, il l’est encore plus aujourd’hui, maintenant que la corrida a été rayée du PCI par la Cour administrative d’appel de Paris.

C’est ainsi que Robert Margé, à la tête de la société biterroise du plateau de Valras, avait fait l’objet d’un premier contrôle fiscal en 2012, au titre de l’exercice 2011, qui s’était soldé par un redressement de 241 000 €. Cela ne l’avait pas convaincu de mettre fin à ses pratiques frauduleuses et le détournement de TVA s’était poursuivi durant les années 2012 et 2013.

Le commissaire aux comptes l’avait souligné à l’époque au sein de son rapport, estimant que la société de Robert Margé aurait dû provisionner dans ses comptes le différentiel de TVA, estimé à 407 000 €, afin que l’image financière de celle-ci soit sincère.

Courant 2014, le fisc est donc revenu faire un petit tour dans les locaux de la SAS du plateau de Valras, et c’est sans surprise que cette dernière s’est vue de nouveau notifié un redressement de TVA, au titre des exercices 2012 et 2013, s’élevant à 403 000 €.

Cette charge exceptionnelle (mais néanmoins prévisible) plombe littéralement les comptes de la société qui affiche, pour 2014, une perte sèche de 346 000 €.

Tous les voyants se retrouvent ainsi dans le rouge : baisse du chiffre d’affaires de 8 %, des dettes (751 000 €) nettement supérieures aux créances (166 000 €), une trésorerie insuffisante pour régler la totalité des dettes fiscales et sociales (dont le dernier redressement de TVA) et des capitaux propres devenus négatifs (autrement dit, la société de Robert Margé ne vaut plus un centime).

Quels auraient été les réflexes de n’importe quel dirigeant responsable face à une telle débandade financière synonyme de quasi-faillite ? D’une part, stopper immédiatement la pratique frauduleuse qui a généré un redressement global de 644 000 € ces trois dernières années, d’autre part s’octroyer une rémunération plus en rapport avec les moyens de son entreprise.

Concernant la rémunération, on ne peut pas vraiment dire que la sagesse fut au rendez-vous : alors que sa société prenait le bouillon, Robert Margé s’est octroyé 70 000 € d’émoluments. Si l’on tient compte des charges sociales attenantes, le tiers de l’abyssale perte de l’exercice découle uniquement de la rémunération de son dirigeant.

Mais plus fort encore, Robert Margé a persisté dans sa volonté de poursuivre son activité de fraude fiscale. C’est ce que révèle à nouveau le rapport annuel du commissaire aux comptes qui souligne que, malgré deux contrôles ayant abouti aux mêmes conclusions, la SAS du plateau de Valras a continué d’appliquer le taux réduit de TVA en 2014.

Montant estimé de cette nouvelle fraude, non prise en compte au sein du bilan : 204 000 €.

Une chose est sûre : un nouveau redressement de ce montant signerait l’arrêt de mort d’une société déjà exsangue financièrement.

Et l’on voit mal comment le fisc, dans le cadre d’un contrôle portant sur une pratique illégale déjà signifiée à deux reprises, n’appliquerait pas alors la pénalité de 40 % pour mauvaise foi, prévue par les textes du Code général des impôts (ce qui serait synonyme, dans le cas présent, d’une rallonge d’un peu plus de 80 000 €).

Sans oublier la responsabilité pénale du dirigeant qui pourrait nettement être engagée.

Une énième démonstration que la corrida, ce n’est pas uniquement la torture d’un être sensible pour le plaisir de quelques pervers, c’est aussi pour certains une belle manière de s’enrichir personnellement via le détournement d’argent public.

David Joly
Trésorier du CRAC Europe pour la protection de l’enfance

 

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